© Dennis Jarvis

La chasse aux drones illégaux vientd’entrer dans sa phase active.Lors des douze prochains mois, sera mis à l’épreuve un système permettant de détecter et neutraliser des petits engins volants sans pilote voire de "localiser le télépilote". Conçu sous l’égide de la sociétéCS Systèmes d’information,ce dispositif est l’un des deux lauréats sélectionnés parmi 24 candidats par l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre d’unappel à projets. Lancé en décembre 2014 à la demande du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (Sgdsn), qui dépend du premier ministre, ce concours était intitulé "Protection des zones sensibles vis-à-vis des drones aériens". L’autre projet, défendu par trois partenaires industriels et quatre laboratoires de recherche publics sous la coordination de l’Onera, le centre français de la recherche aérospatiale, vise à perfectionner la détection radar des petits objets volants.

Cet objectif est atteint en utilisant un détecteur panoramique infrarouge qui identifie un objet en vol en fonction de son empreinte thermique. Un drone dégage, certes, assez peu de chaleur, mais c’est suffisant pour que les capteurs de CS, qui détectent un contraste de température entre un objet et l’air environnant, soient en capacité de l’identifier. Un peu comme on repère un missile ou un avion ennemi. La détection s’appuie également sur un "cluster de caméras" ou "grappe de caméras UHD" (ultra-haute définition), déjà utilisé pour des recherches en mer par CS à partir d’aérostats. Les travaux qui seront désormais engagés visent à affiner leur capacité d’observation afin d’intégrer la morphologie et le comportement aérien des drones. La distance à laquelle il est possible de détecter un drone est inversement proportionnelle à sa taille. Néanmoins, un objet volant de petite taille pourrait être repéré dans un rayon de l’ordre d’une demi-douzaine de kilomètres. On indique toutefois chez CS Systèmes d’information que deux tests destinés à vérifier l’efficacité de Borréades ont déjà été menés avec succès.

Le système retenu par les pouvoirs publics considère également être en mesure de neutraliser un drone indésirable.L’approche consiste"à brouiller et à leurrer" l’appareil que l’on aura localisé. En perturbant son système GPS et/ou en activant ses systèmes de sécurité afin qu’il se pose dans un lieu qui aura été déterminé à l’avance après avoir interrompu la télécommande du pilote. Ce dernier aura l’impression d’avoir perdu son drone alors que l’engin aura été, en quelque sorte, détourné.

Quant à la "localisation du télépilote", elle "réclame une certaine adresse" précise-t-on chez CS.Le stratagème peut notamment consister – les concepteurs du projet ne veulent pas tout dévoiler – à activer la fonction "return home" (retour à la base) du drone puis à le "tracer" sur le chemin du retour. Un moyen qui, à condition que l’organisation à terre soit efficace, pourrait permettre d’intercepter le pilote. Le dispositif Boréades de CS devrait être disponible selon deux configurations. L’une fixe, dédiée à un site (centrale nucléaire, base militaire, institution gouvernementale), et l’autre mobile, pouvant être installée lors d’événements importants (déplacement de chefs d’Etat, défilé du 14 Juillet….) mais ayant une portée moins longue.

D’ici un an, CS et ses partenaires vont mettre au point un "démonstrateur" destiné à établir l’efficacité de ce système qui, dans ce cas, sera pérennisé."Il n’y a pas de temps à perdre car d’autres travaillent sur le même sujet, en particulier aux Etats-Unis et en Israël", souligne l’un des concepteurs du projet Boréades. Ceux-ci ont soigneusement pensé le nom de baptême de leur dispositif. LesBoréadessont les fils ailés du roi Borée qui, lors de l’expédition des Argonautes, parvinrent à chasser les harpies, "êtres volants malfaisants et insaisissables"…

Source: Le Monde